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Solaire : ce que nous prévoyons pour les entreprises, Bachir Ismaël Ouédraogo, ministre de l’Energie

Bachir Ismaël Ouédraogo est le nouveau ministre de l’Energie du gouvernement Kaba III. C’est un spécialiste du secteur, puisqu’il est titulaire d’un doctorat en énergies renouvelables. Avec lui, faisons le point de la politique énergétique du Burkina. Sur le solaire, il annonce un projet de back-up en faveur des entreprises qui souhaitent s’engager dans la production de leurs propres énergies.

L’Economiste du Faso: Vous rentrez d’une mission des Etats-Unis auprès des institutions financières. Les nouvelles sont-elles bonnes?
Bachir Ismaël Ouédraogo, ministre de l’Energie: Nous rentrons, en effet, de Washington où nous avons pris part, avec le ministre délégué au Budget, à la réunion du printemps du FMI et du groupe de la Banque mondiale, en marge de laquelle des rencontres sur le financement du secteur de l’énergie ont été organisées avec le groupe de la Banque mondiale et le MCC. Les nouvelles sont très bonnes, surtout pour le secteur de l’énergie. En effet, le groupe de la Banque mondiale, sur les projets en cours de réalisation ou en préparation qu’il finance, s’est réjoui des résultats obtenus et a prodigué ses encouragements aux acteurs.
Le MCC, dont le second compact est en cours de formulation, sera exclusivement consacré à la construction d’infrastructures électriques et au renforcement des capacités. Le premier draft que nous avions exposé à la vice-présidente du MCC, Kyeh Kim, et à son équipe a valu les félicitations à l’équipe du Burkina ; et le MCC n’a pas hésité a débloqué la somme de 8,825 millions de Dollars US pour le financement des études de faisabilité des projets soumis ; pour lesquels il s’est félicité de la qualité des documents préparatoires.

Quel est l’état de la production nationale en matière d’énergies?
En 2017, le total de la production énergétique nationale a été de 1.096. 038 .422 kWh répartis comme suit :
Le thermique: 87,39%
L’hydraulique: 11,67%
Le solaire: 0,86 %
Le biogaz: 0,06 %.
Il faut noter que nous importons 110 mW de la Côte d’Ivoire ; et bientôt, avec l’interconnexion avec le Ghana, nous allons importer à court terme 50 mW et 150 mW à moyen terme. En 2018, la puissance disponible était de 308 mégawatts, contre une demande à la pointe de 350 mégawatts environ, soit un déficit de 50 mW. Cependant, du fait que plus de 35% des populations des grandes villes ne sont pas connectés au réseau, et le dynamisme du secteur minier, nous pouvons affirmer sans nous tromper que le déficit est plus important que 200 mW.

A quel horizon pensez-vous que le Burkina deviendra autonome en matière de production électrique ? Et quel est le plan du gouvernement pour y arriver?
L’électricité est à la base de tout développement économique. Toutes les études montrent une corrélation positive entre le niveau d’accès à l’électricité et le développement économique d’un pays. L’énergie est au carrefour du développement industriel, technologique, de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, du secteur de la transformation et de la conservation, du transport, etc. Cependant, dans le monde, plus de 1,5 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité, et la plus grande majorité se retrouve en Afrique subsaharienne. L’autonomie en matière d’énergies est une problématique propre à tous les pays de la CEDEAO. Au Burkina Faso, le taux d’accès est de 20 %, et le taux de couverture du territoire de 35%. Avec un déficit important, une démographie galopante et une croissance de la demande d’électricité de plus de 13% par an, il nous faut rapidement un plan Marshall pour le secteur de l’énergie. Le chemin à parcourir est, certes, long ; mais nous avons des objectifs très ambitieux pour le secteur à court, moyen et long termes.

«Au Burkina Faso, le taux d’accès à l’électricité est de 20 %, et le taux de couverture du territoire de 35%. Avec un déficit important, une démographie galopante et une croissance de la demande d’électricité de plus de 13% par an, il nous faut rapidement un plan Marshall pour le secteur de l’énergie», selon le ministre. (DR)

A court terme, nous avons la construction de 14 centrales solaires dans les régions du Burkina en PPP de 192 mW cumulés. Il y a aussi un financement acquis de la Banque mondiale pour procéder à la construction de 2 centrales solaires de 30 mW cumulés à Koudougou et Kaya. Dans le cadre du projet YELEEN, nous prévoyons la construction d’une centrale solaire de 40 mW avec option de stockage à Ouaga Nord-Ouest et des mini-centrales solaires de 10 mW cumulés dans 6 régions du Burkina Faso.
En plus, sur financement de la BEI, la centrale de Zagtouli aura une extension de 17 mW pour passer à 50 mW. En ce moment, nous dépouillons l’appel d’offres pour renforcer la centrale thermique de Kossodo de 50 mW avec un financement de la BID. Tous ces investissements seront couplés aux interconnexions de la Côte d’Ivoire et du Ghana, avec la ligne Bolgatenga-Ouagadougou ; et cela nous donnera une puissance cumulée de plus de 270 mW à court terme. Finalement, la dorsale Nord financée dans le cadre du WAPP nous permettra d’importer l’électricité du Nigeria à court terme et d’exporter le surplus vers les pays limitrophes, à moyen terme. Cela permettra de soulager nos braves populations et nos entreprises qui ont tant besoin d’énergies sans discontinue.
Ce qu’il faut d’ores et déjà retenir, c’est que nous ne concevons plus l’accès à l’énergie simplement pour l’éclairage et le confort dans le bâtiment, mais nous devons avoir une énergie productive qui permette de développer l’irrigation en milieu rural et d’aider à la conservation et la transformation pour les 80% de notre population qui y vivent.
Le plan stratégique que nous proposons englobe non seulement la production, mais aussi le transport et la distribution. Une meilleure collaboration avec les industries minières et les cimenteries, grandes consommatrices d’énergies, permettra un meilleur maillage du réseau et plus de déserte pour le milieu rural quand on sait la proximité des mines avec le milieu rural. A l’horizon 2020-2025, le Burkina ambitionne d’exporter de l’énergie solaire. Dans le cadre du WAPP, le Burkina bénéficie déjà de 150 mW avec stockage destinés à l’exportation. Dans le cadre de la CEDEAO, le Burkina et le Mali ont été identifiés comme les deux pays ayant un potentiel d’exportation de l’énergie solaire. Le MCC nous accompagne dans cette vision et, pour ce faire, il nous aidera à boucler des études de faisabilité dans ce sens.
L’espoir est permis, vu l’engouement des partenaires financiers et des investisseurs privés pour le domaine.

Le secteur de la production a été ouvert aux privés. Pouvez-vous nous faire le point des dossiers en cours et de la part du solaire dans ces projets ?
Au Burkina Faso, la consommation énergétique par la capitale est de 150 kWh, quand dans certains pays comme la Norvège elle est de 27 millions kWh. Aussi, nous avons l’un des kWh les plus élevés en coût de la sous-région. Cependant, les succès engrangés dans la baisse des coûts du solaire donnent un espoir certain au Burkina. C’est pourquoi la loi 014 constitue une avancée significative, car en libéralisant le secteur de la production énergétique au Burkina Faso, on attire des investissements que l’Etat à lui seul ne pouvait pas réaliser. Cela se confirme par le nombre important d’investisseurs que nous recevons tous les jours au ministère de l’Energie.
La libéralisation du secteur a permis de faire un bon qualitatif et, pour ce faire, nous pouvons citer le portefeuille dédié à l’énergie dans les financements du PNDES qui constitue l’un des portefeuilles les plus importants. Cela se traduit par les partenariats public-privé suivants :
Des projets de centrales thermiques cumulées de 365 mW en cours d’adjudication
14 centrales solaires dans les régions du Burkina en PPP de 192 mW cumulés.
A cela s’ajoutent les différentes centrales solaires dont le financement est acquis, mais qui sont en attente de finalisation des discussions et de signature des PPA. En plus, le MCC qui fait la part belle au secteur de l’énergie va encore améliorer les possibilités de production en renforçant le réseau de transport et de distribution. Finalement, un vaste projet de parc solaire vous sera bientôt décliné dans le document du plan stratégique.

Le gouvernement a libéralisé la production, mais qu’est-ce qu’il en est de la fiscalité, censée amener les entreprises et les ménages à s’équiper plus facilement, dans le secteur solaire?
Il existe une loi sur la défiscalisation du matériel solaire depuis 2013. Nous avons dépassé la parité entre l’énergie solaire et l’énergie fossile au Burkina. Pour dire que sur une production de 10 ans, il est plus rentable de produire avec le solaire qu’avec l’énergie fossile.
Aujourd’hui, les centrales solaires comme Zagtouli vous donnent une production entre 50 et 68 FCFA/kWh quand l’énergie fossile oscille entre 130 et 140 FCFA/kWh. D’où la nécessité d’aller vers les systèmes hybrides Diesel-PV solaire pour, d’une part, diminuer le coût du kWh, mais aussi augmenter l’accessibilité à l’énergie. Pour les ménages et les PMI/PME, le gouvernement présentera bientôt un programme de «back-up solaire» pour leur permettre l’acquisition et l’installation d’équipements solaires.
En effet, le coût initial des installations étant élevé, le gouvernement, en collaboration avec la Coopération suédoise, va lancer un mécanisme de prêt à taux zéro pour permettre aux ménages et aux PME/PMI d’accéder à l’investissement solaire et de le rembourser graduellement sur les économies qu’ils feront sur leurs factures d’électricité. C’est une innovation qui va permettre d’étendre la production au niveau du privé et de l’autonomiser.

FW

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